L'instrument
Pascal Quoirin a souhaité réaliser ici un orgue conçu pour interpréter prioritairement la littérature d'orgue du XXe siècle et les musiques du futur.
Pour atteindre ces objectifs, il construit cependant l'orgue de manière très classique . Il s'inspire toujours pour l'essentiel de ses choix du Traité de Dom Bédos de Celles, moine bénédictin et facteur d'orgues du XVIIIe siècle.
Les matériaux utilisés sont les mêmes qu'à cette époque : étain et plomb pour les tuyaux métalliques, chêne pour les tuyaux en bois. Les tuyaux sont coupés au ton.
Il n'est fait appel à l'électricité et l'informatique que pour la programmation des registrations.
La transmission entre notes et claviers est mécanique, assistée pour les accouplements de claviers par machine pneumatique ( machine Barker, de conception XIXe siècle). Un travail particulièrement délicat a dû être mené pour installer ces systèmes dans la structure cylindrique de bois et d'acier.
L'orgue "nouveau-classique" de Pascal Quoirin
« Je souhaite construire un orgue dans la manière du style classique sur lequel on ne fera pas l’impasse sur une tranche importante de la littérature d’orgue. Cette littérature, c’est celle du XXème, qui, en réalité, a été créée sur des orgues que l’on appelait néo-classiques, terme auquel je substiturais volontiers maintenant le préfixe « néo» par celui de « nouveau». Est-ce que les facteurs d’orgue peuvent faire l’impasse sur soixante dix ans de musique ? Il y a quelque chose dont on n’a pas l’équivalent. Nous avons beaucoup plus de musique pour l’orgue de cette période en France qu’au XVIIIème ou qu’au XIXème siècle, il faut donc bien construire un instrument qui permette de la jouer. Comme Beethoven ou Jean Sébastien Bach, les compositeurs de l’époque néo-classique n’ont pas réellement disposé, je crois, de nouveaux timbres. Les compositions des orgues néo-classiques établies souvent par ces organistes n’ont rien d’aberrant.
Elles sont issues en fait d’un plan symphonique auquel on ajoute des composants de l’orgue classique.
Cette démarche a surtout été contestée au niveau des restaurations d’orgues historiques, on peut aisément le comprendre. En revanche, des instruments néo-classiques neufs issus de ce courant esthétique subsistent encore. Si on ne les apprécie guère aujourd’hui, c’est qu’ils ne pouvaient bénéficier de l’apport considérable de connaissances que la pratique des restaurations scrupuleuses de ces 35 dernières années a apporté aux facteurs d’orgues d’aujourd’hui. « Pour l’orgue symphonique, le principe retenu est celui de l’accumulation des timbres et d’énergies pour obtenir de plus en plus d’intensité jusqu’au tutti. Pour l’orgue baroque, le principe, c’est plutôt la fusion des timbres, c’est un concept opposé à celui de Cavaillé- Coll. Ce concept de la synthèse, tel qu’il se trouve développé dans l’orgue classique français jusqu’au XVIIIème siècle est celui que je retiens.
Conception acoustique
La conception acoustique de l’instrument a été pensée par Pascal Quoirin lui-même, qui n’a pas fait appel à un bureau d’étude spécialisé, mais plutôt à son simple bon sens. Il a fait percer des ouvertures dans le cylindre à la hauteur renfermant les tuyaux de pédale. Il a lui-même fixé l’orientation de l’abat-son qui surmonte le positif. D’ores et déjà, la cathédrale étant vide, on peut constater un excellent résultat. Volets et abat-sons guident efficacement le son jusqu’au chœur dans cette cathédrale d’acoustique difficile en raison de son étroitesse, de sa longueur et de sa hauteur. L’ancien orgue Pels qui a été déposé était puissant en tribune mais construit directement sous la voûte sans buffet ni caisse de résonance, il ne renvoyait pas le son dans la nef. Des déperditions de plus de 20 décibels avaient pu être mesurées.
Certes, on constate encore quelques pertes à la hauteur de la tour lanterne. La durée de la réverbération (4à 5secondes) ne donne pas l’ampleur du son atteinte à Notre-Dame de Paris (7 secondes), mais ce qui est perdu en ampleur est gagné ici en clarté.Quant à la palette sonore, le but était ici d’établir un grand plénum. La composition a multiplié à souhait les cymbales, fournitures et plein-jeux. Le résultat est impressionnant !
La composition est celle d’un orgue néo-classique, doté d’un grand récit expressif, mais le traitement est différent. Souvent l’orgue néo-classique alliait des harmonisations baroques au grand-orgue et positif aux traitements romantiques ou symphoniques du récit. Ici, la totalité des tuyaux est coupée au ton.
Le nombre de jeux a été limité à 53 : c’est moins que beaucoup d’orgues néo-classiques, ceci pour des raisons de place.
Ici, par le choix constant du matériau noble, étain, plomb, étoffe pour le métal, chêne pour le bois, et par le soin apporté à l’harmonisation, on atteint une palette sonore présentant des combinaisons très riches et variées. Conçu pour un plenum éclatant, cet orgue donne aussi les sonorités délicates des jeux de flûte et de nazard. Chaque flûte harmonique donne un effet différent.
Les transmissions
La pureté et la précision de l’attaque ne peuvent être assurés que par des transmissions les plus directes possibles entre claviers et tuyaux. Ainsi, tandis que les orgues néo-classiques adoptaient des systèmes électriques intermédiaires électriques pour relier claviers et tuyaux, Pascal Quoirin revient aux mécaniques constituées de vergettes et d’équerres.
L’électricité présente certes l’avantage de faciliter le toucher des grands instruments, là où la traction mécanique impose un effort énorme à l’organiste quand il doit accoupler les claviers pour faire donner toute sa puissance à l’orgue. Par contre, le toucher devient moins sensitif, moins personnalisé, le son moins transparent. Pour faciliter le toucher quand la force demandée à l’organiste devient excessive, Pascal Quoirin opte pour les systèmes d’assistance pneumatiques développés à l’époque d’Aristide Cavaillé-Coll, les machines Barker. La machine Barker, traitée comme assistance aux accouplements, allège considérablement le toucher du clavier, elle est nettement supérieure à une assistance électrique.
La réponse est prompte et l’impulsion du doigt transmise avec une relativement bonne fidélité.Par contre, Pascal Quoirin fera appel à l’électricité et à l’électronique pour le tirage des jeux. Avec les systèmes anciens, un organiste devait se faire assister d’un ou de deux tireurs des jeux pour faire évoluer la registration lors de l’interprétation d’une œuvre. Les combinateurs électroniques modernes procurent une grande souplesse dans ce domaine. Ainsi, depuis longtemps, l’électricité remplace-t-elle les souffleries actionnées manuellement.
PASCAL QUOIRIN
Pascal Quoirin a débuté très jeune dans la facture d’orgue. Il est venu au métier vers l’âge de 16 ans, et fit ses premiers pas dans l’Atelier Franc-Comtois de Philippe Hartmann.
Il a construit son premier orgue en 1974 pour la Cathédrale Saint Siffrein de Carpentras, dans l’atelier qu’il créa à Saint-Didier, à proximité de cette ville. (Cet orgue est l’un de ceux que décrit « l’Encyclopaedia Universalis » à la rubrique orgue).
En 1983, il construit à Saint-Rémy-de-Provence son premier orgue du type « nouveau classique ». On lui a confié la restauration de l’orgue de Dom Bedos de Sainte-Croix de Bordeaux dont la réputation a dépassé largement les frontières de l’Hexagone. Il a fait récemment son entrée en Haute-Normandie avec la reconstruction de l’orgue renaissance de Mont-Saint-Aignan, puis réalisé l'orgue du Touquet, inauguré en 2008. Il a signé en France la restauration ou la construction de plusieurs dizaines d’instruments et également à l’étranger, Espagne, Bolivie, Mexique, Japon.
Il vient de confirmer sa renommée internationale en construisant en 2011 à New York un important instrument en l'Eglise de l'Ascension. Il a actuellement en charge la remise en état de l'orgue de Notre-Dame de Parisen collaboration avec Bertrand Cattiaux
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