Le buffet

 

La grande majorité des buffets d'orgue construits récemment sont inspirés par le passé. Bruno Decaris n'imagine pas, "lorsqu'on doit faire un buffet d'orgue au XXIe siècle, qu'on construise un buffet du XVIIIe".
" Aujourd'hui, créer un orgue...c'est un sujet de synthèse entre la musique, la lumière, l'architecture..."

L'orgue n'est pas placé en tribune.

"J'ai voulu exprimer la verticalité, qui était interrompue par la tribune. J'ai trouvé beaucoup plus intéressant de reprendre l'idée de l'élancement, cet espèce de jaillissement traditionnel gothique où on a un épanouissement, où on a quelque chose qui part, qui va s'élever avec le son, qui va s'élever avec la lumière."
"On peut évoquer aussi un autre aspect : l'orgue donne non seulement une manifestation de musique, mais également un spectacle visuel. Ces volets vont s'ouvrir un peu à la manière d'une boîte magique."

 

Les volets

Il existe dans les buffets d’orgues anciens une tradition de volets, mais ce sont généralement de grands volets à deux pans qui s’ouvrent et se referment lentement et majestueusement. Il s’agit ici d’une série de volets à deux pans plus étroits.

« Ils seront d’abord le signe de quelque chose qui fonctionne ou qui ne fonctionne pas. Quand ils s’ouvrent, on sait qu’il va se passer quelque chose. Mais ils ont d’autres fonctions. D’abord ils servent à régler le renvoi du son, comme les conques d’un auditorium. Le buffet a une forme cylindrique qui tend à renvoyer les sons dans toutes les directions, les volets permettent de les diriger vers la nef.

 

Cette fonction est complétée par un abat-son, disposé tout au sommet, destiné à éviter les pertes de son sous les voûtes. Les volets vont donner aussi un spectacle visuel contrasté. Quand ils sont fermés, le buffet s’inscrit d’une façon assez austère dans un ensemble très structuré s’ intégrant avec les matériaux existants, mais sans reproduire en bois ce qui était en pierre, ce qui est toujours une difficulté. Il a fallu trouver une teinte qui se rapproche de l’existant, notamment par le traitement du parement, une lasure avec de la poudre d’or, donnant une certaine préciosité tout en restant dans des teintes semblables. Ils vont s’ouvrir un peu à la manière d’une boîte magique. »                   

Une boîte d’où ne sort pas seulement de la musique, mais qui va donner aussi à voir, dont il se dégage une sorte de fête avec ces volets peints, déclinés en trois couleurs - bleu, violet, rouge - rappelant aussi qu’à l’époque médiévale, les cathédrales étaient entièrement colorées.

 

Les volets présentent une sorte de damier, toujours dans l’idée médiévale, c’est-à-dire qu’il y a une géométrie toujours très rigoureuse. En fait, c’est un motif de géométrie qui est toujours le même et qui est quasiment le sigle des Monuments Historiques et la variété de ses carrés, plus ou moins pourvus d’or, amène une lecture qui produit des pixels. Cette pixellisation est une idée médiévale, c’est-à-dire que tout dépend de la distance à laquelle on se place, le détail est aussi présent dans une base que dans un chapiteau. Quand on s’approche de près, on a une sorte de mise en abîme. J’irai plus loin, on a aussi l’idée de fractale, c’est toujours le même élément agrandi qui reprend une autre lecture. L’instrument ouvert, il se passe un évènement et quand il se referme, le calme revient. » (interview de Bruno Decaris)              

 

La réalisation technique

 

La réalisation technique de la structure fut délicate. Monsieur Poupinet, des Menuiseries Modernes, basées à Pépin dans les Bouches-du-Rhône, a dû chercher longtemps dans le Jura des bois de chêne de sept mètres de long presque sans nœuds.
La structure métallique a été réalisée par les Serrureries de la Parette (Roquefort-la-Bédoule).« Visuellement c’est de la charpente, mais nous l’avons traitée avec la même finesse et la même précision que du mobilier, commente Alain Quénel, dirigeant de cette entreprise. La précision, c’est notre culture, résume Marc Maisonneuve. Les quinze tonnes de métal ont été montées avec une tolérance inférieure à 1mm. Toute la précision repose sur la nécessité de ne pas créer de vibrations sur les tuyaux. Il a fallu maîtriser le mariage entre l’acier et le bois. Nous avons dû tenir compte des courants d’air qui entrent dans la cathédrale - vents de 60 km/h supportés ». (extrait de la revue Métal-Flash)