Cathédrale d'Evreux
Mardi 17 juin à 21h
La Passion de Jeanne d'Arc de Karl Dreyer
Projection à la Cathédrale du film muet
avec improvisations à l'orgue d'Odile Jutten
organiste titulaire de l'orgue de la Cathédrale d'Evreux
Présentation par Alain Bureau
"La Passion de Jeanne d'Arc" est un film réalisé par Carl Theodor Dreyer en 1927 et projeté pour la première fois à Copenhague le 21 avril 1928.
Il s'agit d'un film muet mais qui avait été initialement conçu comme un film parlant, ce à quoi Dreyer dut renoncer pour des raisons liées à l'équipement technique du studio. D'où l'aspect déconcertant de ce film, qui adopte déjà les codes du parlant tout en restant un film muet.
Dreyer choisit ici de centrer son propos non pas sur les guerres menées par Jeanne d'Arc, ni même sur son exécution, mais sur le procès qui devait y aboutir.
Dans ce cadre très resserré, il met en opposition ce qui se lit sur le visage de la pucelle d'Orléans avec les grimaces de ses accusateurs et bourreaux, opposition qui est encore accentuée par le réalisme dont fait preuve le réalisateur pour exposer sa chronique de cet événement. Il ne s'agit donc pas ici de rendre compte d'un destin grandiose, mais de montrer quelle peut être la force de la foi face à la pression des institutions.
La passion de Jeanne fait évidemment écho à la Passion du Christ. Comme le Christ qui a dû affronter l'incompréhension, la haine et les outrages des Pharisiens, Jeanne doit affronter l'incompréhension, les humiliations et la haine de l'Église. Mais en montrant une femme souffrante et persécutée, Dreyer renvoie également aussi bien à la figure de la Vierge qu'aux premières martyres de l'Église. Jeanne est en état de grâce et désire y rester : comme plusieurs personnages de Dreyer, elle a fait le grand saut dans l'indicible et ne pourra être comprise que par ceux qui auront eux-mêmes réalisé une telle conversion. La scène finale de la mort de Jeanne apparaît comme une apothéose.
On relèvera l'apparition très remarquée d'Antonin Artaud dans le rôle de Jean Massieu.
Réalisateur : Carl Theodor Dreyer
Scénario : Carl Theodor Dreyer et Joseph Delteil
Images : Rudolph Maté
Décors : Hermann Warm (qui fut décorateur sur Le Cabinet du docteur Caligari) et Jean Hugo
Costumes : Valentine Hugo et Jean Hugo
Production : Société Générale des Films (France)
Noir et Blanc
Dates de sortie :
Danemark : 21 avril 1928
France : 25 octobre 1928
Distribution :
Renée Falconetti : Jeanne
Eugène Silvain : l'évêque Pierre Cauchon
André Berley : Jean d'Estivet, le Procureur
Maurice Schutz : le chanoine Nicolas Loyseleur
Gilbert Dalleu : Jean Lemaître, le vice-inquisiteur
Michel Simon : un juge
Paul Fromet : un juge
Armand Lurville : un juge
Antonin Artaud : Jean Massieu, l'huissier audiencier
Camille Bardou : un soldat
La restauration de la version d'origine tient presque du miracle, puisque le premier négatif avait subi des coupures exigées par la censure, puis avait été perdu dans un incendie. Dreyer avait alors réussi à en reconstituer une seconde version à partir de chutes restantes, laquelle devait pourtant elle aussi disparaître dans un autre incendie. Il ne restait plus alors que des copies douteuses, et ce n'est qu'en 1981 que l'on retrouva dans un asile psychiatrique d'Oslo un double oublié du premier négatif, non censuré, à partir duquel il fut possible de reconstituer le film et les intertitres dans une version probablement identique à celle montée par le cinéaste pour la première de 1928.
L'improvisation accompagnant des films muets, a attiré beaucoup d'organistes : Guy Bovet, qui sera présent à notre festival 2014 , l'a fait à Genève pour la plupart des chefs-d'oeuvre de cette période du cinéma, dont La Passion de Dreyer. Louis Robillard l'a fait à Monaco et Paul Goussot à l'orgue Sainte-Croix de Bordeaux.